De la peinture, de la vraie, avec un châssis, une toile qui, ici, n'est qu'ostensoir pour les plus beaux papiers du monde; avec du vernis, de la peinture, des encres délicates. Frédéric Voisin est revenu aux techniques immémoriales après avoir été longtemps et superbement un pilote dans l'univers de l'image technologique.
Parce qu'il s'est aperçu, comme l'ont fait à toutes les époques de la Renaissance à Picasso en deçà et au delà, les grands maîtres, que ce que l'art peut apporter, il l'a fait dès l'origine, il y a des millénaires dans le temps (1), et d'un geste d'emblée parfait.
Et l'ambition de tout artiste, c'est de retrouver cette perfection par delà la pollution physique, physiologique, sociale, culturelle accumulée par notre/nos civilisation(s), cette pollution qui, en même temps, est l'alluvion, le limon de notre existence.
En cela il accompagne le penseur d'aujourd'hui qui, après Heidegger, va rechercher le dévoilement de l'être dans les traces les plus anciennes de la pensée.
Il ne s'agit pas ici d'imitation, mais d'épouser le geste de l'artiste primordial, de retrouver la clarté de son regard et l'immédiateté de son trait."Sous la terre aride est une lumière sacrée" nous dit un de ses tableaux. C'est exactement cela: cette lumière, nous ne la voyons pas, mais l'artiste nous la communique par sa démarche diffractive qui déplace le spectre de notre aveuglement et nous apporte cette lueur que les astronomes reçoivent en provenance d¹étoiles disparues.
Il ne s'agit pas non plus d'une course à l'ancienneté, de se prélasser dans le paléologique. Chaque artiste apporte sa part d'exploration et c'est un plaisir de la déceler comme le fait Frédéric Voisin lorsqu'il nous raconte "L'histoire du véritable bleu Holbein".
Cette démarche je la retrouve dans les autres aspects du travail de l'artiste. En particulier, il nous rappelle que le masque révèle la vérité du visage dans cette belle série présidée par "Le sorcier"; de même "L'Athanor" ou "La pierre philosophale" sont à mes yeux des manifestes (2).
Mais c'est sans doute la dimension minérale qui préoccupe Frédéric Voisin : le sable qu'il utilise dans certaines de se compositions en scelle la présence, tandis que "La première pierre" ou "Les pierres de lune" en marquent le bornage, "Varengeville" l'étendue, et "Paroles d'ardoises" la signification.